
ANGE OU DÉMON ?
Le mouvement préraphaëlite, prenant comme référence les œuvres et les thèmes chers aux maîtres italiens du XVème siècle, marque un retour en arrière face à l’académisme et à l’impressionnisme qui font autorité au XIXème siècle. John Collier, peintre britannique, en est l’un des piliers. Et c’est avec Lilith, peint en 1892, qu’il bouscule les codes en revenant à un mythe que certains auraient préféré oublier.
Ce portrait de pied nous fait découvrir une femme rousse, aux cheveux longs, au corps nu et sensuel, entrelacé d’un long serpent qui vient poser sa tête contre son épaule. Au premier abord, cette figure fait tout de suite écho à l’épisode biblique du Jardin d’Eden cher au classicisme : Eve, souvent représentée blonde ou rousse, est séduite par Satan métamorphosé en serpent, et s’abandonne aux tentations qu’il lui promet, comme semble le faire ici cette jeune femme, tiraillée entre le plaisir et la culpabilité.
Mais contre toute attente, ce n’est pas Eve que Collier choisit de représenter ici; il brouille les pistes et fait référence à une figure biblique bien plus sombre: celle de Lilith, que le Talmud juif décrit comme la véritable première femme d’Adam. Elle aurait refusé de se soumettre sexuellement à lui, et serait ainsi devenue la « première démone », compagne de Satan et maîtresse des enfers. Chez Collier, elle n’est pas séduite par le serpent, mais le contrôle, fait volontairement corps avec lui, et semble lui dicter l’acte de séduction et de vengeance qu’il commettra bientôt sur Eve...
Lilith, John Collier, 1892
Artwork analysis for Artips, 2014