FIAT LUX
ET LUX FUIT
A la fin des années 70, Pierre Soulages est déjà un peintre accompli, représenté dans les plus grands musées d’art moderne du monde : ses toiles abstraites, souvent monochromes – précisément « monopigmentaires » comme il aime à les appeler - jouant sur les clairs-obscurs, suscitent l’admiration des artistes de l’époque.
Mais c’est au cours d’une longue nuit de 1979 que Soulages va révéler sa singularité, qu’aucun autre peintre ne parviendra à égaler depuis... Il réalise une nouvelle composition sombre, comme il en a l’habitude. Mais son travail ne le satisfait pas. Pire, il trouve cette toile râtée. Du noir, trop de noir, un « grand barbouillis » sans nuance qui l’agace et face auquel il préfère aller se coucher.
Mais le lendemain matin, au réveil, lorsqu’il se rend à nouveau dans son atelier, cette toile, si grossière la veille, lui apparaît tout autrement : ce n’est plus le noir qu’on remarque, mais les reflets multiples de la lumière sur ce noir. En fonction des traits du pinceau, du relief des applats de peinture, la lumière vibre de façon différente : tantôt brillante et claire sur les surfaces striées, presque mates sur les surfasses lisses et planes... Ce noir fait dialoguer toutes les couleurs dans une même toile : c’est ainsi que naît l’outrenoir, ce territoire au delà du noir et nouvelle terre de prédilection du peintre, qui assiéra sa renommée mondiale.
Cet espace imaginaire restera au cœur de l’art de Soulages, même dans ses compositions en couleur, utilisant la peinture bleue ou marron, à laquelle il tâche toujours de mélanger quelques gouttes de peinture noire, pour en exploiter son pouvoir presque surnaturel : celui d’exacerber la lumière comme nulle autre.
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Review for the opening of the Soulages Museum, 2014
''SI L'ON NE VOIT QUE DU NOIR, C'EST QUE L'ON NE REGARDE PAS LA TOILE''


