


HÉRO(T)ISME
Au XVIème siècle, le poète italien Ludovico Ariosto écrit "Roland Furieux", grand chant épique narrant les vies entrecroisées, les exploits et les amours de Roland, Roger et Angélique. Trois cents ans plus tard, en 1819, Ingres, maître du néo-classicisme, s’inspire des écrits d’Ariosto pour pour composer sa nouvelle œuvre : Roger délivrant Angélique.
Ce tableau n’est autre que la mise en scène de l’un des premiers chants du Livre : Angélique, enlevée par le peuple des Ebudiens, est enchaînée à un rocher et sur le point d’être dévorée par une orque marine. Mais, bien que Roland soit fou amoureux d’Angélique, c’est pourtant Roger, chevauchant un hippogriffe, qui vient la délivrer. Et si les contrastes du tableau mettent en avant des symboles aussi nobles que le courage du chevalier face à l’impuissance de la blanche princesse, certains détails traduisent une vérité bien plus érotique...
En effet, la nudité d’Angélique est biffée par la lance de Roger s’introduisant de force dans la gorge de l’orque : une simple mise à mort du monstre ? Plutôt l’annonce du viol que tentera de comettre Roger sur Angélique dans les chants suivants...
De même, Angélique nous apparaît innocente, fragile, nue et livrée à son propre sort ; ses yeux révulsés, sa tête tombant en arrière semblent traduire à la fois son désespoir et sa confiance en Roger. Mais est-ce un abandon vraiment chaste ? En s’y penchant de plus près, l’observation est édifiante : qui n’est jamais parvenu à se délivrer d’un seul anneau enchaînant ses deux mains ? La promise de Roland ne semble alors que faindre l’emprisonnement... Elle offre même son corps nu à son défenseur, et sa tête penchée ne semble traduire que sa lassitude d’attendre l’étreinte interdite...
Cette délivrance apparaît ainsi comme l’assouvissement imaginaire du désir de chacun : celui de Roger, d’éteindre la princesse ; celui d’Angélique, de déchaîner les passions masculines ; et celui d’Ingres, de dissimuler dans nombre de ses tableaux des indices érotiques que l’on décripte encore aujourd’hui.
Roger délivrant Angélique, Jean Auguste Dominique Ingres, 1819
Artwork analysis for Artips, 2015
"L'HOMME EST LE SEUL ANIMAL QUI INJURIE SA COMPAGNE."